Mardi 21 mars à 20h30 // CinémAnimA // L’ultime rivage
Cinéma l’Excelsior d’Abbazia
Le réalisateur Sébastien Roussin, ancien policier, à tourné en Corse son long métrage L’Ultime rivage, sans que l’action y soit clairement localisée. Le film révèle les tragédies et les connections dangereuses en Méditerranée, telles qu’elles sont vécues au quotidien par les migrants. Partout dans le monde, ils sont les otages des passeurs notamment des trafiquants de vrais-faux contrats de travail.
L’amitié et la rédemption figurent au centre du propos, comme secours et consolation. Dans cet échantillon de drames universels, il y aura la présence d’Ange, gangster retiré des affaires mais devenu capable de réfléchir sur son existence et surtout sur celle des autres… On n’est pas dans un polar clinquant et dérisoire à la Tarantino mais dans la profondeur de toute destinée humaine et, pourquoi pas, dans la transcendance.
Sébastien Roussin résume le pitch: « Alors qu’il entame une longue ascension, Ange se remémore son fils décédé. Et le souvenir d’Ahmed, ce jeune migrant libyen aux mains d’un réseau de passeurs dirigé par Le Kabyle et son sbire Eddy… Arrivé au sommet, Ange, incarné par Jean-Max Lhuillier, trouve la rédemption.» Cette séquence, tournée dans les brumes de la Tour de Sénèque (Cap Corse), concentre la philosophie de ce long métrage, qui évoque des situations vécues dans tous les pays méditerranéens, côté migrants mais aussi en parallèle, côté passeurs, exploiteurs, malfrats et tueurs. Au fil du parcours du jeune libyen Ahmed, émerge le gigantesque chaos social des migrations dans les décors de Bastia, Saint Florent, Borgo et Luri, filmés comme jamais auparavant. La Corse une source d’inspiration pour ce scénario?
Sébastien Roussin : « cette histoire aurait pu être située n’importe où dans le monde, mais ça se passe en Corse. Le personnage principal joué par Jean-Max Lhuillier s’appelle Ange, cela donne cette texture, ce style supplémentaire. Ici on a la chance d’avoir des paysages magnifiques, une culture insulaire. Comparé au continent, les gens ici sont plus ouverts, plus fraternels et parfois moins… La Corse, j’y vis, j’y travaille et je l’aime.»
Se projetant plus loin que la victimisation ou à contrario la diabolisation de l’immigration, ce film incarne la tragédie de millions d’hommes débarquant en Europe, venus du Maghreb : Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie. Ils sont désorientés, en apnée et perdus entre leur vie d’avant, le retour devenu impossible et l’avenir incertain. Sébastien Roussin: « le contexte de l’immigration, je le connais bien, j’étais fonctionnaire dans la police nationale, j’ai traité des affaires criminelles similaires. Je ne voulais pas exposer l’aspect démagogique ou manichéen de ces destins, je voulais montrer le réel de manière authentique, tel que cela se passe vraiment, mais avec un regard cinématographique, ce n’est pas un documentaire. Non pas montrer la victimisation mais plutôt l’existence de celui qui est venu ici chercher l’espoir. »
Ahmed (Malik Ouahione), un orphelin libyen ayant fui les atrocités, est à la merci du Kabyle incarné magistralement par Philippe Ambrosini. Colérique, tyrannique, c’est un « homme sans foi ni loi, hormis la sienne ». Le film évoque toute la criminalité liée aux migrations : les meurtres, les fausses promesses, les vrais-faux contrats de travail, les maltraitances, les passeports confisqués, les logements insalubres, le travail non déclaré et sous payé et les atteintes aux droits humains.
La Corse, terre de cinéma et terre d’accueil? Sebastien Roussin: « La Corse est inspirante et j’irais plus loin, elle est associée à l’allégorie du personnage de la Fille de la mer, qui représente aussi l’île. Ahmed vit son expérience en Corse à travers les rêves nocturnes qu’il fait de cette Fille de la mer, et il a l’impression que parfois elle le rejette. » Extrait de la critique de Liliane Vittori pour Médiapart.